L'art des crayons de couleurs!
Réflexion sur la carte postale
On en a tous reçu.
On en a tous envoyé.
Si on a un certain âge, c'était une carte en carton ou de papier.
Dernièrement, ce sont des messages rapides sur Facebook, Twitter, Messenger, Instagram etc.
C'est pour donner signe de vie : Youhou! Allô! Je suis ici!
C'est pour renouer avec quelqu’un, refaire du lien.
Sans être aussi formelle qu’une lettre, une carte ne génère pas non plus autant de questions et prises de décision. On y met quoi? On retient quoi? Combien de pages pour ne pas offenser? Réécrit-on tout de suite? Est-ce le début d’une correspondance ou pas? On pourrait se laisser prendre dans un engrenage : répétitions, trop d’intimité, de sincérité? On arrête ça quand? Comment?
Une carte postale par contre, ça vous tombe du ciel.
C'est un rapide : J'ai pensé à toi, sans conséquences, sans obligations. Un petit geste d'amour envers une autre personne sans besoin de réciprocité.
La carte postale est double. Elle porte une dualité.
L’image au recto. Avec des mots, le nom d’un lieu, exotique ou pas, de la pub, une idée, un je ne sais quoi qui a piqué l'intérêt de l’expéditeur; une image qu’il a choisie pour des raisons émotionnelles, culturelles, ou par nécessité.
Les mots au verso. Des mots qui identifient l’expéditeur et le destinataire, la date d’envoi, le cachet de la poste faisant foi... Le timbre qui peut aussi être un voyage en soi.
La carte postale est unidirectionnelle, sans adresse de retour. Elle se rend à destination, où elle se perd dans le néant.
Que voit le receveur de la carte en examinant le recto et le verso? Si « voir se réalise à partir de nos habitudes et de nos expériences »i, le destinataire peut ne jamais avoir vu en personne, par exemple, la Joconde, le Taj Mahal, la Tour Eiffel ou la Hagia Sofia (Sainte-Sophie). Comment perçoit-il alors ces lieux qui ont sans doute laissé une profonde impression sur l’expéditeur?
D’autre part, l’envoi d’une carte postale correspond-il à un besoin inné de vouloir partager son expérience, tant bien que mal?
Pour le destinataire, la carte postale peut servir de « chemin d'accès à l'imaginaire ii» et, possiblement, le lieu, le paysage, l’œuvre célèbres peuvent titiller sa psyché et le faire voyager à son tour.
Finalement, la carte postale, son image (au recto) et ses infos (au verso) sont « un concentré de stimulations, par le choix du sujet, par le cadrage, par la composition, par son mode de représentation »iii. Ainsi en quelques secondes, possiblement une minute ou deux, le receveur est transporté ailleurs, lui aussi ! Allô... Oui, moi aussi, je suis là-bas, avec toi!
Et pour les gens d'un certain âge, elles deviennent des réalités : à toucher, à revoir, et rêver à nouveau.
i Claire Bélisle, Comprendre notre rapport à l'image : Imagination – Addiction – Séduction, Chronique Sociale, Lyon, Fr 2020 p. 182
ii Ibid p. 38
iii Ibid p. 40
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